Je me sens de plus en plus confortable dans cet espace de tristesse. Cela peut sembler paradoxal pour une happycultrice, de faire l’éloge de la tristesse. Et pourtant, je crois et je me rends bien compte que la joie ne peut se vivre totalement que dans l’expérience intégrale de la tristesse également.
«Le signe de ton ignorance, c’est la profondeur de ta croyance en l’injustice et en la tragédie.»
En ce moment, je vis simultanément différentes expériences où je suis confrontée à mes propres limitations, à mon ignorance et à un manque de connaissance.
Etant en période de transition, j’apprends énormément, beaucoup de nouvelles données à intégrer… j’ai moins de repères, je me perds… cependant « je me sens perdue dans la bonne direction… »
Je me sens de plus en plus connectée à la nature, de plus en plus consciente, et même si j’aurais envie de ne pas voir certaines scènes, je suis le témoin chaque jour, du cycle de la vie et de la mort, qui se déroule au contact de cette nature, si vivante.
Tous les jours, suivant le rythme des saisons, des mouches mortes au seuil de ma fenêtre, des limaces ou des escargots sous les semelles de mes chaussures (il en a parfois tellement qu’on ne peut marcher sans en écraser), des grenouilles asséchées par la chaleur, une chauve-souris agonisant retrouvée sur le pas de la porte ce matin en ouvrant le volet, des ragondins qu’il faudrait tuer car ils sont trop nombreux et considérés comme « nuisibles et invasifs »…
Je me retrouve face à ma propre méconnaissance de comment marche cet écosystème, à mon propre regard limité au petit prisme Phounkeo.
La vie et l’univers, c’est bien plus vaste que ça.
Essayer de comprendre de mon point de vue, c’est comme regarder une feuille et croire que c’est l’arbre tout entier que je regarde.
Dans mes pratiques de conscience, j’apprends à accueillir, à traverser, à accepter… sans commenter, sans rien ajouter, sans rien enlever, juste être avec ce qui est là…
Je me sens triste… et je traverse cette tristesse… en respiration profonde… en conscience… en la ressentant dans chaque parcelle de mon être, dans chaque cellule… Mon cœur s’ouvre… Je ressens mon impuissance, je me sens démunie, j’aurais envie de connaître tous les aspects de cette nature, et de notre condition humaine, pour savoir agir en fonction, pour mieux appréhender, pour mieux respecter et préserver… des larmes jaillissent de mon âme et perlent sur mes joues… je sais que je ne sais pas et en même temps, je ressens cette justesse de ce que je vis. Même si cela peut être inconfortable, je sais que c’est juste. Je vois beaucoup plus mes résistances, mes tensions, mes jugements… Plus je détends, plus je relâche, et plus la vie circule… Et je me sens… à ma juste place…
Je vis également dans mes relations des zones de turbulences, des zones du non connues, non explorées… et je peux me sentir dépassée parfois…
Et je reviens encore et encore à ma respiration, qui me ramène dans ce présent, où tout est plus calme, où les pensées, le corps, le cœur, se « pausent », se déposent, se réalignent…
Je peux ressentir cette tristesse de ne pas savoir, de ne pas pouvoir, de ne pas agir…
Je ressens tellement qu’il me manque des pièces du puzzle pour pouvoir comprendre (pas avec la tête) d’un espace de moi, où je sais que tout est là, mais il y a quelque chose en moi qui résiste à cette ouverture.
Et je sais pertinemment que pour accéder à cette compréhension, ce n’est pas en allant chercher une réponse au dehors (le mouvement n’est pas du dedans vers le dehors) mais en ouvrant des espaces de moi qui ne demandent qu’à être ouverts (le mouvement est du dedans vers un dedans encore plus profond et pénétrant)… et je sens que plonger dans ces profondeurs me donne accès à une compréhension plus vaste du monde.
Je crois que c’est pour ça que tout chemin de profonde compréhension de soi, des autres et du monde demande du courage (cour = cœur), car à cet instant, ce n’est pas évident, de regarder pleinement cette tristesse, de la laisser être tout en restant en conscience, de se laisser traverser et ressentir profondément ce qui « est », sans rien ajouter, sans rien enlever.
Et je ne m’en veux pas de ne pas savoir, car j’accepte d’être qui je suis à cet instant, avec toute la beauté de mes propres failles. Accueillir en bienveillance mon être, et laisser s’ouvrir autant d’amour pour moi, que j’en ai pour le monde…
Je terminerai en partageant avec vous ce poème de Thich Nhat Hanh qui résonne dans ce chemin de conscience infini, et qui m’aide à élargir ma vision…
Je ne suis plus en quête
Je peux me poser dans cet instant
Je suis en même temps le vide et le plein
Je suis celui qui aime et celui qui est aimé
Toucher la nature de la non-naissance
et de la non-mort
Le temps est le maintenant
Le monde extérieur est aussi vaste que le monde intérieur.
Ta bien aimée est déjà en toi.
Ne la cherche pas à l’extérieur de toi.
Le ciel nous a encore réservé le jour d’aujourd’hui.
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